Véronique
54 ans
Paris – France (75020)
Histoire d’une vie
Naissance
Père : militaire, mère : femme au foyer. Algérie 1959 – en plein conflit franco-algérien. C’est dans ces conditions que je vois le jour le 23 février.
Alors que je suis âgée de 2 mois à peine, maman et moi sommes victimes d’un attentat sur le marché de la ville. Dans la panique, mon landau est renversé et c’est un miracle si je n’ai pas été blessée, voire tuée.
Durant les 3 ans de notre séjour en Algérie, nous aurons à subir des bombardements quasi quotidiens et de nombreux attentats. C’est ma marraine qui me l’a rapporté. Elle avait 13 ans à l’époque et elle était venue ici passer quelques « vacances ».
Petite enfance
En 1962 mes parents et moi revenons en France, à Paris, dans le 9e arrondissement.
1re blessure de la vie. Je me souviens : à l’occasion de la naissance de mon frère Sylvain de nombreuses personnes viennent féliciter les heureux parents, les bras chargés de cadeaux.
Mais rien pour moi.
Dans mon petit fauteuil d’enfant, je me sens abandonnée. Je suis très jalouse de cet intrus qui a pris ma place dans le cœur de mes parents et, pour exorciser cette douleur que je ne peux exprimer oralement, je me venge en lui mordant violemment les doigts.
Mes parents me punissent à rester toute une nuit dans la cave. Dans le noir absolu. Je trouve cette punition tellement injuste que j’en tombe gravement malade, refusant de m’alimenter. Je devrai faire pour cette raison de nombreux séjours à l’hôpital.
Je sens que je suis devenue un fardeau pour mes parents, une enfant à problèmes. Ils ne manqueront pas de me le rappeler tout au long de mon enfance, ce qui marquera de façon indélébile mon psychisme.
Afin de retrouver un peu de vitalité, je vais en province chez mes grands-parents maternels. Le changement est radical : ma santé s’améliore ainsi que mon psychisme, si durement éprouvé depuis ma naissance.
Je me sens enfin accueillie, choyée, aimée.
Quel sentiment merveilleux !
Je garde de ces 3 ans passés chez mes grands-parents un souvenir impérissable. J’étais devenue une petite fille très heureuse.
Cependant, afin de soulager mes grands-parents qui commençaient à se faire vieux, la sœur cadette de maman prend la relève. Avec son époux.
Mais cela se révèle catastrophique.
2e blessure de la vie. Cet époux, cet homme (je n’ose pas dire « mon oncle ») m’a fait subir la pire douleur que l’on puisse infliger à une enfant : il m’a agressée sexuellement pendant 8 ans, à chaque période de vacances scolaires. Je veux dire en fait qu’il m’a violée. Jusqu’à mes premières règles. Après, il s’est détourné de moi.
J’apprendrai plus tard qu’il est pédophile. Je comprends alors pourquoi je ne l’ai plus intéressé quand je suis devenue « femme ».
3e blessure de la vie. Lorsque j’ai trouvé la force d’en parler à mes parents, ils ne m’ont pas crue… Il en est résulté un véritable séisme psychologique. Je me suis sentie une nouvelle fois trahie, salie.
Détruite.
Une fois adulte, plusieurs professionnels de l’âme se pencheront sur mon cas mais aucun d’eux ne réussira, malgré leur compétence, à me redonner goût à la vie.
Enfance
En 1966 j’ai 7 ans. Nous partons pour le Tchad à Fort-Lamy (devenu N’Djamena). Deux ans plus tard j’y vivrai un terrible traumatisme.
En effet, un matin, alors que j’étais en classe, des soldats armés font irruption et nous somment de sortir. Ils se montrent violents. Une religieuse a la présence d’esprit de me cacher dans un coffre. Je peux apercevoir les pataugas des soldats à travers les parois ajourées…
Je suis terrorisée. Peut-être vont-ils me trouver. Me violenter.
J’ai le sentiment que mon corps se disloque, se coupe en deux (l’esprit séparé du corps physique). Et j’ai froid. Très froid. Nous sommes en Afrique en ce mois de mai 1967, il fait au bas mot 45° C…
Je dois mon salut à la religieuse. Mais j’entends encore les cris d’effroi de mes camarades. Les soldats les rassemblent dans la chapelle. Ils y mettent le feu. Aucun survivant, sauf moi. Je verrai les cadavres alignés dans la cour, sommairement recouverts.
Je n’ai jamais oublié cette odeur de chair carbonisée.
4e blessure de la vie. Mes parents viennent chercher mon frère dans l’école, mais ils m’oublient… En fait, des années après, je me suis rendue compte qu’ils avaient la ferme intention de m’abandonner.
C’est un légionnaire qui viendra me sortir du coffre ; il m’emmènera jusqu’à mes parents, déjà installés dans l’avion. Je refuse d’aller dans les bras de maman. Je m’agrippe au légionnaire de toutes mes forces, arrachant son insigne (un avion).
Complètement désemparée, je fais pipi dans ma culotte. Maman me l’enlève devant tous les passagers.
La honte m’envahit et je me sens encore une fois violentée. Je suis dans un état second, avec toujours ce sentiment que mon corps physique est séparé de mon corps psychique.
Destination le Gabon, en attendant que les événements se calment. Nous reviendrons au Tchad quelques mois plus tard.
Retour en France en 1969. J’ai 10 ans. Je vis mon adolescence sans trop de cahots.
Âge adulte
Après des études un peu difficiles, voici le temps d’exercer une profession. Je choisis la voix de l’apprentissage, en tant que préparatrice en pharmacie. C’est un échec.
J’aurai beaucoup de mal à m’adapter dans la vie active. Comment pourrait-il en être autrement ? Tant de souffrances, de douleurs non dites, non digérées.
Je me marie en 1981.
1re et unique joie. Je suis enceinte de mon premier enfant, Olivier. Suivront en 1982 des jumeaux. Malheureusement cette joie sera de courte durée car je perdrai l’un deux in utero. Reste donc Éric.
Mon mari est alcoolique et violent, y compris avec mes fils. Il me bat régulièrement. Me viole lui aussi.
Je finis par me décider à divorcer, en 1988, au péril de ma vie. Car il m’a un jour brutalement attirée contre lui pour me mettre un poignard sous la gorge…
Je m’en suis sortie sans trop de dégâts. Mais, pendant les 7 ans qu’aura duré ce calvaire, combien de fois ai-je pensé au suicide !
Je quitte Paris et emménage dans l’Essonne pour élever mes deux enfants. Sans aide, car mon ex-mari décède quelque temps après. J’y resterai 20 ans.
Thérapie
Je ne vais pas bien. Toutes les tentatives – y compris médicales – pour me sortir du bourbier dans lequel je me trouve depuis tant d’années n’aboutissent pas. Je suis dans un état de délabrement total, très dépressive. Je songe de plus en plus sérieusement à me suicider.
Mais, il y a 5 ans, je découvre par hasard le site d’Yves sur les massages. J’ai l’intuition que son approche de la personne et du corps peuvent m’aider à y voir plus clair dans mon histoire chahutée.
Après bien des hésitations (je crains en effet d’être à nouveau violentée), je finis par prendre rendez-vous. C’était le 27 mars 2009.
Depuis, je fais appel à lui régulièrement. Avec quelques pauses ces deux dernières années. Chaque séance est une nouvelle expérience instructive et enrichissante.
Grâce à son massage, grâce aussi à la thérapie que j’ai entamée avec lui, je comprends l’origine de mes maux, la façon dont ils se sont développés, articulés et répétés. Grâce à tout le travail accompli, je suis en bonne voie de les surmonter. Certes au prix de séances parfois douloureuses !
Je sais que le chemin de la guérison complète sera long et ardu.
J’ai réintégré Paris en 2010, je suis maintenant fonctionnaire de l’État et, bon an mal an, je poursuis mon petit bonhomme de chemin.
Je peux dire, avec ces presque 5 années de recul, que ce sont les massages et la thérapie que je fais avec Yves qui m’ont littéralement sauvée.
Conclusion
J’ai voulu raconter mon histoire par écrit pour continuer à progresser sur la voie de l’apaisement. Et la rendre publique car je pense que mon parcours peut intéresser (et peut-être aider) des personnes qui ont dû se confronter à des difficultés analogues.
Je n’ai pas évoqué des pans entiers de mon existence, les relations fraternelles entre mes deux enfants par exemple. C’est encore trop sensible. Je le ferai quand je me sentirai prête, un peu de patience… J’ai déjà eu du mal à rédiger et à partager le présent texte.
N’hésitez pas à m’écrire, je vous répondrai !
Véronique
Publié le 12 novembre 2013 |
© Véronique |
Olivier
45 ans
Dijon – France
Accident de parapente
Vacances
J’étais en long week-end dans les Alpes, du côté d’Albertville, et j’en ai profité pour m’adonner à mon sport favori : le parapente.
Après un beau vol de fin de journée d’environ deux heures, les conditions météo changeant et rendant la masse d’air très instable, j’ai préféré aller me poser. Mais lors de mon approche du terrain d’atterrissage, mon parapente s’est fermé brutalement à environ 10 m du sol – trop près pour que je puisse le rouvrir et reprendre un vol normal.
Accident
Je suis alors tombé en chute libre et me suis écrasé sur le ventre, la tête dans la terre. Les jambes ne bougeaient plus. Je ne sentais plus rien au-dessous la taille, à part quelques fourmillements.
Malgré une douleur intense dans le dos, je suis toujours resté conscient. Vu l’endroit reculé où je me trouvais, les secours ont été longs à venir.
Premier diagnostic du médecin : pas bon du tout ! Tout a été très vite dans ma tête, j’ai réalisé que je ne marcherai peut être plus.
C’était il y a 7 ans.
Hôpital
À l’arrivée, j’ai subi un scanner et des examens de toutes sortes. Les médecins ne disaient rien. Ils me paraissaient pessimistes. Ils ont décidé que je devais être opéré : l’intervention a eu lieu 7 heures après l’accident et a duré plus de 5 heures.
J’ai eu la chance d’être pris en charge par un excellent neurochirurgien, il a fait du très bon travail. Je lui dois beaucoup.
Le lendemain, il m’a donné toutes les explications. L’accident avait causé la fracture et l’écrasement de deux vertèbres lombaires, avec atteinte médullaire. Au cours de l’opération, le chirurgien a éliminé les morceaux d’os qui se trouvaient dans le canal rachidien et reconstitué les deux vertèbres au moyen de greffes osseuses.
Afin de rétablir l’écartement intervertébral et assurer un bon maintien de la colonne, il a bloqué pas moins de 6 vertèbres (dont les deux fracturées) avec deux tiges métalliques de 30 cm.
Un vrai travail d’orfèvre ! Qui ne m’a pas empêché de devoir porter un corset pendant 3 mois.
Mais les nerfs situés au niveau de la queue de cheval, près des lombaires, ont été endommagés. C’est pour cette raison que je suis devenu partiellement paraplégique.
Le neurochirurgien m’a laissé entrevoir une possibilité de récupération mais ne m’a pas caché qu’il y aurait des séquelles non négligeables, dont l’intensité était imprévisible : troubles moteur et de la sensibilité au niveau des jambes et du bassin, paresthésie, perturbation du transit intestinal, dysfonctionnements urinaires et sexuels.
Il me restait un peu de sensibilité dans les jambes , et je pouvais bouger légèrement la jambe droite. Naissait en moi l’espoir de remarcher un jour, même imparfaitement. Dans ces moments-là, on se raccroche à ce qu’on peut…
Rééducation
Elle a duré un an. J’étais très motivé. Le fait d’être sportif m’a beaucoup aidé pour le moral et la combativité : j’ai fait le maximum pour quitter au plus vite le fauteuil roulant.
Les médecins et les kinés du centre étaient impressionnés par ma détermination et mes progrès. Ils devaient même me freiner car j’en faisais parfois un peu trop. La douleur et les inflammations pouvaient en effet ralentir voire inverser la progression.
J’ai marché des kilomètres dans les barres parallèles pour réapprendre à mettre un pied devant l’autre. On n’imagine pas la difficulté que c’est ! Le mouvement de la marche est pourtant inné… Puis j’ai quitté les barres pour un déambulateur.
Mais la véritable victoire, je l’ai connue le jour de mes premiers pas avec des béquilles.
Bien sûr, j’ai eu des doutes au cours de ce long cheminement. Des moments de déprime, des petites dépressions. Mais le challenge en valait la peine.
Je suis sorti du centre avec une seule béquille.
Reprise de la vie normale / Séquelles
Aujourd’hui, je marche sans béquilles. Avec un boitement cependant. Et je suis totalement autonome. Quel plaisir !
Pour mon moral, j’avais besoin de reprendre une activité professionnelle et quitter ainsi le statut de « malade ». J’ai donc retravaillé à mi-temps pendant 6 mois. Je me suis également remis au sport : natation, VTT, petites marches sur terrain plat avec un bâton – un peu plus longues chaque jour. Parallèlement, je dois continuer la rééducation.
Au plan moteur, certains muscles répondent mal ou plus du tout faute d’être suffisamment innervés : jumeaux des mollets, ischio-jambiers externes et grands fessiers.
Ils se sont donc atrophiés.
Esthétiquement, ce n’est pas très beau. Je n’ose pas montrer ces parties de mon anatomie, par complexe. Mais j’ai eu la surprise de constater qu’une bonne moitié du muscle fessier droit s’est reconstituée et que le gauche commence à se redessiner.
Ces progrès m’encouragent à persévérer dans le sport, même si je ne peux plus en faire aussi intensément qu’avant.
Grâce au sport, je garde le moral ! Et je continue à progresser.
La paralysie du gros côlon m’a obligé à adapter mon alimentation, mais les difficultés de transit demeurent (constipation, douleurs abdominales). Là encore, il a fallu que je m’adapte.
La vessie ayant été touchée, je ne peux plus uriner normalement : j’ai dû apprendre l’autosondage, c’est-à-dire à m’introduire des sondes dans l’urètre jusqu’à la vessie pour pouvoir la vider. C’était contraignant au départ, mais j’ai fini par m’y accoutumer. Et, surtout, je n’ai plus honte d’en parler.
Sur le plan sexuel, ce n’est plus comme avant ! Les sensations sont différentes, notamment en raison d’une perte de sensibilité et des inconvénients provoqués par la paresthésie. Il m’a donc fallu accepter certains changements et entamer un apprentissage du plaisir sur un autre mode.
Cependant, cela ne m’empêche pas d’avoir des rapports sexuels de bonne qualité…
Les problèmes de sensibilité et de paresthésie concernent surtout les pieds, certaines parties des jambes et des fesses. Je ressens assez fréquemment des fourmillements désagréables, qui ne me donnent pas envie de me laisser toucher.
C’est la raison pour laquelle, en complément des séances de kiné bi-hebdomadaires, j’ai eu l’idée de faire appel à des médecines douces pour améliorer mon état. J’ai pensé à l’acupuncture, l’hypnose, la sophrologie, la relaxation.
Et pourquoi pas le massage ? Car, malgré le travail attentif et constant de ma kiné, j’ai toujours beaucoup de contractures et de douleurs au niveau du dos, mais aussi des jambes et des pieds.
Surtout, je veux apprendre à accepter mon corps tel qu’il est aujourd’hui. Un massage de qualité, prenant en compte mes spécificités, pourrait certainement m’aider.
Massage
J’ai donc entamé une recherche sur Internet et c’est le site d’Yves qui a retenu mon attention. Je l’ai lu intégralement, avec plaisir et intérêt. Les informations qu’on y trouve sont complètes et agréablement présentées.
J’ai téléphoné à Yves et, au terme d’une longue discussion, j’étais convaincu qu’il était la bonne personne pour mener l’expérience que j’avais envie de vivre.
Je ne me suis pas trompé !
Les explications complémentaires sur sa façon de travailler qu’il m’a fournies le jour du rendez-vous, son écoute bienveillante et attentive par rapport à ma problématique, son calme et sa douceur ont achevé de lever mes craintes, et m’ont rassuré sur sa capacité à adapter le massage à mon cas personnel.
Je me demandais en effet si j’arriverais à dévoiler les parties de mon corps que je n’ose pas montrer habituellement, à lâcher prise, à me décontracter, à me laisser faire. Et puis comment les zones touchées par la paresthésie allaient réagir…
J’ai apprécié qu’Yves me masse de la tête aux pieds, sans rien exclure, qu’il accorde autant de soins (sinon plus) aux endroits de mon corps affectés par l’accident qu’aux autres. Même les parties intimes – qu’on ne m’avait jamais massées – sont passées entre ses mains expertes.
Certes, il avait évoqué sans tabou cet aspect au téléphone, mais j’ai quand même été surpris de ne ressentir aucune gêne.
J’ai également été surpris de constater que je n’ai pas eu de douleur au cours du massage, ni même de sensation désagréable liée à la paresthésie. Au contraire ! Ce ne fut que bien-être et plaisir.
Bref, la séance a été très positive pour moi.
Yves m’a offert bien plus qu’un massage. Il m’a prouvé une chose essentielle : je pouvais reprendre confiance en moi et accepter mon corps tel qu’il est devenu. Je sens que je suis sur la bonne voie pour y parvenir.
Je m’étais spécialement déplacé à Paris pour le voir. Il m’avait bien déconseillé de faire l’aller-retour dans la journée mais, sachant que je n’aurai pas d’autre possibilité avant deux mois, je tenais absolument à découvrir son travail.
Néanmoins, il est vrai qu’il vaut mieux éviter l’inconvénient important d’avoir à ressortir après la séance. J’ai fait une bonne sieste dans le TGV du retour et dormi comme un bébé le soir venu, mais je sais que je louerai une chambre d’hôtel pour mon deuxième massage.
Car je veux en profiter encore mieux !
Olivier
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Publié le 4 janvier 2014 |
© Olivier |
Pascaline
47 ans
Villemer – France (77250 • près de Nemours – Seine-et-Marne)
L’avenir vient de loin
Je suis née au sein d’une famille porteuse de secrets.
Moi-même je porte un secret…
Premières souffrances
Je me rappelle avoir vécu enfant une vie modeste. Mon père était un rêveur avec de beaux projets et ma mère toujours à la recherche d’une pièce de monnaie pour me nourrir.
J’avais 2 ans et demi quand ma sœur est née.
Mes parents ont aidé et hébergé un homme que j’ai quelques fois vu venir partager un repas avec nous. Cet homme est devenu l’amant de ma mère, et ils ont fait ménage à trois.
Leur petit trio a vite basculé. Ma mère a choisi son amant et mes parents ont fini par divorcer. Mais la séparation n’a pas été de tout repos…
Leur divorce s’est transformé en une véritable bataille rangée, de sorte que ma mère a dû fuir le domicile conjugal avec ma sœur et moi. Nous avons campé, dans l’urgence, chez une de mes tantes maternelles puis chez les parents de ma mère. Avec interdiction de voir notre père.
Malheureux et désespéré d’être ainsi privé illégitimement de ses enfants, il a craqué. Un jour il est venu armé. Et a tiré.
Sans intention de blesser ou de nuire, mais sa colère et sa souffrance ont fait de lui un homme qui ne se maîtrisait plus.
La balle est passée très près de ma grand-mère. Ils ont porté plainte, le conflit a été médiatisé, et mon père a passé quelques mois en prison.
Bien entendu j’étais trop jeune pour comprendre ce qu’il se passait. J’ai découvert la vérité quelques années plus tard : alors que je prenais un gant de toilette dans une armoire, une pile de linge est tombée ainsi que des coupures de journaux qui y étaient dissimulées.
La vie a repris son cours : ma mère s’est établie avec son amant, qui est devenu son mari et mon beau-père.
De par son très jeune âge et la gaieté que je n’avais pas, ma sœur a été la préférée de notre nouveau papa. J’ai longtemps été jalouse d’elle, la voyant plus charmeuse et plus jolie que moi.
Ma maman, épuisée par son travail de femme de ménage dans un grand hôtel, faisait de son mieux mais m’en a beaucoup demandé. Afin de satisfaire ses désirs et ne pas perdre son amour, j’ai endossé vis-à-vis de ma sœur le rôle de seconde maman.
J’étais comme elle l’attendait : une petite fille sage, obéissante, responsable…
Mais pâle, maigrichonne, effacée.
Sans joie de vivre.
Elle m’a aimée comme ça. C’est pourquoi j’ai longtemps pensé que, dans ma vie de femme, il faudrait que je reste sage, obéissante et effacée pour être digne d’être aimée par un homme.
Mon grand secret
Pour éviter de changer de collège lors de la rentrée scolaire, je suis allée vivre seule plusieurs mois chez mes grands-parents maternels. Ceci en attendant que notre maison, en construction dans le même village qu’eux, soit terminée.
Chaque soir, le cher papa de ma maman me rejoignait dans ma chambre. Pour me toucher le sexe et se masturber.
Par crainte de me faire disputer et de ne plus être une « gentille petite fille », j’ai gardé le silence. Mais j’ai fait par la suite de nombreuses infections urinaires avec complications.
J’ai détesté mon corps, mon sexe et tout ce qui touche à la féminité.
Autre secret : pendant des vacances avec ma cousine, alors que j’étais adolescente, ma tante m’annonce que mon père n’est pas le père de ma sœur.
Révélation que je ne partagerai avec personne.
Sur l’instant, je ne ressens rien de particulier. Pas même une émotion.
Je comprendrai plus tard que le contenu de cette déclaration ne m’appartient pas. Je n’ai pas à en parler à ma sœur. C’est à elle d’investir son passé, si elle le souhaite, pour découvrir par elle-même ce qui s’y cache.
Femme abîmée
Je me suis installée en couple à 19 ans et me suis mariée à 27 ans – avec le même homme.
Ma première fille, Justine, naît par césarienne en raison d’une souffrance fœtale. Je suis hermétique à l’idée de l’allaiter.
J’ai vécu dans le prolongement des désirs de mon mari, avec une sexualité inhibée accompagnée d’un « mal-être du toucher ». Il faut dire que je m’étais forgé une épaisse carapace de protection…
Sur mon lieu de travail, j’ai fait la rencontre d’une nouvelle collègue qui sera par ailleurs l’institutrice de Justine, alors âgée de 4 ans. Cet événement va déstabiliser la vision que j’ai de la vie et de moi-même.
Par son regard authentique – sans jugement –, par son intelligence et son amour inconditionnel, elle a su me percer à jour. Je l’ai laissée lire en moi comme dans un livre ouvert et, de fait, je lui ai accordé toute ma confiance.
Depuis 17 ans elle est mon amie de cœur et d’esprit.
Renaissance
Ma fille a 6 ans et je suis enceinte d’un petit garçon, Nathan, qui fera une courte apparition en août 2000. Venu au monde par césarienne, il décédera d’un arrêt cardiaque quelques heures après sa naissance.
La rencontre avec mon fils a été une véritable révélation pour moi : je me suis autorisée, dans la plus grande intimité, à toucher, manipuler, sentir son petit corps sans vie mais encore chaud. Je me suis imprégnée de son odeur, de son visage, de ses formes.
Pour garder de lui un doux souvenir.
J’ai vécu là le traumatisme le plus aigu de mon existence. Je me suis sentie seule, perdue, démunie. Désespérée et pleine de rage dans cette injustice.
Coupable de lui en vouloir d’être parti si tôt.
J’ai eu mal partout, et j’ai éprouvé la plus grande difficulté à gérer le quotidien.
C’est à la suite de cette mort que, paradoxalement, je suis née.
J’ai très vite compris que personne ne pouvait rien pour moi. Que, pour accepter la mort de Nathan, il fallait que j’investisse ma souffrance.
J’ai alors confié Justine à ma maman. Je me suis isolée, laissant la douleur m’habiter avec indulgence. Je suis allée à la rencontre de la petite fille abîmée que j’étais, je l’ai caressée du bout des doigts. Et, aujourd’hui encore, je la regarde, avec une profonde empathie.
J’ai remonté la pente… lentement. Nathan était porteur d’un message d’espoir. Sa mort subite m’invitait à oser un changement que je n’avais jamais pu envisager.
J’ai divorcé ! Et changé de vie.
Aujourd’hui, grâce à la fécondation in-vitro, je suis l’heureuse maman d’une fillette de 8 ans, Jade, elle aussi née par césarienne. Je l’ai allaitée avec un immense plaisir. Ce que je n’avais pu faire avec Justine, car trop mal dans ma peau à l’époque.
C’est sans aucune prétention que je me sens belle, féminine et vivante. J’ai de l’amour plein le cœur, j’aime les gens. Je crois en l’être humain.
Massage
De par mon histoire personnelle et mes rencontres, je suis devenue sensible au toucher. Me sentant attirée par le massage, j’ai suivi une formation qui m’a révélé avec force que j’étais faite pour ça.
J’aime masser tout autant que j’apprécie être massée ; c’est pour moi un moyen de donner comme de me retrouver avec moi-même. Sans avoir nécessairement besoin de parler.
Alors, pour affiner mon raisonnement et me sentir au plus près de ce que je suis, avec mon corps tel qu’il est, avec mon esprit, mes émotions, Yves est venu me masser.
Au cours de la séance, j’ai ressenti mon énergie vitale. Et j’ai pu m’abandonner totalement, dans un véritable lâcher prise.
Je me suis offert le plus beau des cadeaux : la béatitude.
Un grand merci à vous, Yves.
Pascaline
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Publié le 10 décembre 2014 |
© Pascaline |
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1 | Frédéric
25 avril 2019 à 16:33
Le corps est un livre de vie, le livre de notre vécu.
Qu’y a-t-il de plus passionnant?
Est-ce ici même que je peux écrire et partager la mienne?
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